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Résumé de l'article
Par Elias El Zoghby
Extrait de l'article
Pour la première fois dans son histoire moderne – et plus précisément au cours des cinquante dernières années – le Liban connaît une clarté et une détermination sans précédent dans la hiérarchisation des solutions à ses crises. Ce changement est particulièrement perceptible à la suite de la dernière guerre, avec toutes ses conséquences, révélations et tragédies.
Contrairement aux guerres précédentes, où les solutions étaient fragmentées, incomplètes ou fondées sur des priorités inversées, l’approche actuelle marque une rupture nette avec le passé. Historiquement, les efforts se sont souvent attaqués aux symptômes plutôt qu’aux causes profondes, permettant aux problèmes de s’aggraver et menant au délitement que le Liban subit depuis des années.
Le nouveau mandat présidentiel, tant au niveau du leadership que du gouvernement, s’attaque à des dossiers cruciaux : nominations stratégiques, réformes financières et économiques, projets de développement. Toutefois, il est pleinement conscient que tous ces efforts échoueront – comme par le passé – si le Liban ne règle pas la question la plus urgente : retrouver sa pleine souveraineté et appliquer l’exigence centrale que partagent les cadres libanais, arabes et internationaux, à savoir : placer toutes les armes exclusivement entre les mains de l’État légitime et démanteler toutes les milices, qu’elles soient libanaises ou étrangères.
Ces cadres incluent le serment présidentiel, la déclaration ministérielle, l’accord de Taëf, les résolutions 1559, 1680 et 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que les ententes de cessez-le-feu entre le Liban et Israël. Tous convergent vers un principe fondamental : affermir l’autorité de l’État libanais à travers ses seules institutions légitimes. Le document de cessez-le-feu définit même six forces étatiques : l’armée, les Forces de sécurité intérieure, la Sûreté générale, la Sûreté de l’État, les douanes et la police municipale.
Malgré la reconnaissance officielle de cette priorité, le gouvernement se heurte encore au refus du Hezbollah de déposer les armes. Le parti interprète l’accord de cessez-le-feu de manière sélective, invoquant une séparation entre les zones situées au sud et au nord du fleuve Litani pour justifier la rétention de son arsenal de « résistance » – et ce, bien qu’il ait accepté par le passé de renoncer à son rôle militaire en s’éloignant des lignes de confrontation avec Israël et en démantelant ses dépôts d’armes dans la région.
L’État comme le Hezbollah savent que l’ère des armes illégales touche à sa fin – non seulement en raison des conséquences de la guerre et de la pression internationale croissante, mais aussi parce qu’un consensus libanais large exige la construction d’un État fonctionnel et stable. Les deux parties sont donc contraintes d’établir une feuille de route concrète à court terme pour régler la question des armes, sous peine de rendre vains tous les efforts de réforme et de relance.
La première étape consiste à engager un dialogue transparent et ouvert au sein des institutions de l’État, en particulier au Conseil des ministres, afin de traiter directement la question des armes. Les responsables gouvernementaux – notamment les ministres – doivent harmoniser leurs positions avec celles du Président Joseph Aoun, du Premier ministre Nawaf Salam et du ministre des Affaires étrangères Youssef Rajji. Cela doit être suivi de réunions approfondies avec la direction du Hezbollah et toutes ses factions internes – à supposer que les informations circulant sur des désaccords internes soient avérées. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’un calendrier d’exécution précis pourra être mis en place.
Si le Hezbollah tient véritablement à la reconstruction, il doit se désarmer. Les deux ne peuvent coexister : la reconstruction et la présence d’acteurs armés non étatiques sont des lignes parallèles qui ne se croisent jamais. Quelles que soient les justifications avancées, les armes hors contrôle étatique ne font que saboter ce qui est reconstruit. Le Liban ne peut survivre sous une autorité armée duale.
Par ailleurs, le désarmement des milices constitue le moyen le plus efficace pour faire face à l’alternative imposée entre normalisation ou guerre. Le retrait des armes illégales offrirait au Liban un levier puissant pour respecter l’Accord de cessez-le-feu de 1949 et résoudre les différends frontaliers – en attendant un règlement arabe-israélien plus large.
C’est dire à quel point la voie du redressement du Liban est aujourd’hui limpide. Oui, les réformes et la reconstruction peuvent commencer – mais uniquement sous la protection de garanties internes, arabes et internationales, qui empêcheraient leur effondrement si le pays venait à retomber dans les slogans de « résistance », « soutien », ou « unité des fronts » – autant de recettes pour un retour à la guerre et à la destruction. Le plan de désarmement ne doit ni traîner ni se perdre dans les méandres politiques.
Il convient aussi de rappeler que quelques roquettes artisanales, tirées depuis le nord du Litani vers le nord d’Israël par des acteurs non identifiés, ont failli rallumer une guerre à grande échelle – évitée de justesse grâce à la diplomatie libanaise. Mais rien ne garantit que le pays bénéficiera toujours d’une telle chance.
Que le Hezbollah nie ou non toute implication dans de tels actes importe peu, tant qu’il conserve des liens avec des factions libanaises et non libanaises appartenant au même axe régional – recevant des ordres de Téhéran – ou tant qu’une aile radicale du mouvement reste loyale à la direction iranienne plutôt qu’à l’autorité politique libanaise.
Il est également essentiel de ne pas laisser des propositions de diversion – comme une loi électorale à circonscription unique ou l’abolition du confessionnalisme politique (visant à bouleverser les équilibres démographiques et à affaiblir le pacte de partage du pouvoir) – détourner l’attention de la question des armes. De telles tactiques rappellent les manœuvres du régime Assad, sortant des lapins du chapeau sous couvert de tutelle extérieure.
Oui, pour la première fois, le Liban avance d’un pas sûr sur une voie irréversible vers le salut. Il ne lui reste plus plusieurs options – une seule subsiste : une décision ferme de restaurer la souveraineté et le contrôle légitime sur toutes les armes, exclusivement entre les mains de l’État.
Quant à la soi-disant « stratégie de défense » – longtemps brandie, toujours éludée – elle appartient désormais au passé, tout comme la « formule tripartite » abandonnée par le gouvernement actuel. Elle sera remplacée par une « stratégie de sécurité nationale » globale, impliquant tous les secteurs de l’État. Et la différence entre les deux est immense – une comparaison qui mérite d’être explorée en profondeur ultérieurement.