Le phénomène des enfants des rues et de la mendicité au Liban constitue une problématique alarmante qui pèse lourdement sur la société. Au-delà de sa dimension humanitaire, cette situation soulève également des enjeux économiques, sociaux et sécuritaires qui nécessitent une analyse approfondie pour identifier des solutions viables.
Les causes de la mendicité infantile au Liban
Plusieurs facteurs ont contribué à l’essor de ce phénomène, parmi lesquels :
1. La crise économique : Depuis plusieurs années, le Liban traverse une crise économique aiguë, marquée par un effondrement financier ayant entraîné une dégradation des conditions de vie et une montée du chômage. Cette situation affecte particulièrement les familles les plus démunies, incapables de subvenir aux besoins essentiels de leurs enfants, poussant ainsi certains d’entre eux à recourir à la rue pour mendier ou exercer des métiers pénibles.
2. L’instabilité politique et sécuritaire : Le pays connaît une instabilité chronique en raison des tensions politiques internes et des conflits régionaux, rendant le contexte social encore plus précaire. De nombreux enfants issus de familles déplacées ou migrantes à cause des guerres se retrouvent livrés à eux-mêmes dans les rues, souvent victimes d’exploitation.
3. La désintégration familiale : Les tensions sociales, la violence domestique et les divorces sont autant de facteurs contribuant à la dislocation des familles. Certains enfants se retrouvent ainsi abandonnés ou livrés à eux-mêmes, les poussant vers la mendicité. Dans d’autres cas, les difficultés économiques contraignent certains parents à exploiter leurs enfants pour survivre.
4. L’analphabétisme et l’extrême pauvreté : De nombreuses familles manquent d’accès à l’éducation et aux soins de santé, ce qui limite considérablement les perspectives d’avenir de leurs enfants. Sans éducation ni qualification, ces derniers sont souvent contraints de se tourner vers la rue pour assurer leur survie.
Une réalité inquiétante : plus de 1 500 enfants dans les rues
Selon certaines estimations, plus de 1 500 enfants seraient impliqués dans la mendicité au Liban. Ces enfants sont particulièrement visibles dans les zones urbaines, notamment à Beyrouth et sa banlieue, mais aussi dans des régions rurales frappées par la pauvreté. Le phénomène est particulièrement préoccupant dans la plaine de la Bekaa et le sud du pays, où se concentrent de nombreux camps de réfugiés palestiniens et syriens. Ces enfants, issus de milieux très défavorisés, constituent souvent une main-d’œuvre bon marché dans l’économie informelle.
Les lieux où se regroupent les enfants des rues
Les enfants mendiants sont présents dans divers endroits stratégiques des grandes villes, notamment :
1. Les centres commerciaux et marchés populaires : Ces lieux à forte affluence sont privilégiés par les enfants qui sollicitent la générosité des passants.
2. Les axes routiers principaux : De nombreux enfants tendent la main aux automobilistes aux feux rouges ou circulent entre les véhicules.
3. Les sites touristiques : À Beyrouth et à Jbeil, par exemple, certains enfants exploitent la présence des touristes pour susciter leur compassion.
4. Les abords des universités et écoles : Ces zones, fréquentées par de nombreux jeunes, représentent des lieux stratégiques pour récolter des dons.
Quelles solutions face à cette crise sociale ?
La lutte contre la mendicité infantile nécessite une approche intégrée alliant protection sociale, accès à l’éducation et développement économique.
Les associations jouent un rôle crucial dans ce combat. C’est notamment le cas de Lebanese Spotlight, une organisation engagée dans l’action communautaire. Dans une déclaration exclusive à Al Safa News, Noor Naccache, secrétaire générale de l’association, explique :
« Notre mission est d’aider la communauté en offrant des opportunités de volontariat aux jeunes, afin de développer leurs compétences et leur potentiel humain. »
Elle ajoute :
« Nous avons un programme spécifique pour les enfants qui ont besoin d’éducation, en particulier ceux de nationalités différentes qui suivent des cours du soir ou qui ne sont pas scolarisés. Nous leur enseignons les bases en mathématiques, en arabe et en anglais, en fonction de leur niveau. »
L’association a également mis en place le programme "Safe Port", actif dans les quartiers de Qasqas et Karm el-Aris, visant à sensibiliser les enfants aux notions de protection et de prévention des abus à travers des activités ludiques.
En parallèle, le programme "Mayyel" est dédié aux personnes âgées de plus de 60 ans dans les quartiers de Mar Mikhaël et Ras el-Nabeh, soulignant ainsi l’engagement de l’association pour les populations vulnérables.
Autres pistes pour éradiquer la mendicité infantile
Outre l’action des ONG, plusieurs mesures peuvent être envisagées pour combattre ce fléau :
1. Renforcement des programmes éducatifs et de sensibilisation : Il est essentiel d’investir davantage dans l’éducation gratuite et accessible aux enfants exposés à la mendicité.
2. Soutien aux familles défavorisées : L’État doit instaurer des aides financières, telles que des subventions alimentaires ou des microcrédits, pour alléger le fardeau des familles en détresse.
3. Réhabilitation des enfants des rues : Des centres d’accueil spécialisés doivent être développés pour assurer une prise en charge sanitaire, psychologique et éducative adaptée.
4. Application de lois strictes contre la mendicité forcée : Des mesures répressives doivent être mises en place pour sanctionner les exploitants de mineurs.
5. Collaboration avec les organisations internationales : Une synergie entre les ONG locales et les instances internationales spécialisées dans la protection de l’enfance pourrait permettre le développement de stratégies plus efficaces.
6. Création d’emplois pour les jeunes et les familles : Lutter contre la mendicité passe aussi par l’amélioration des conditions économiques et l’ouverture de nouvelles perspectives d’emploi.
Un problème structurel qui nécessite des solutions durables
Le phénomène de la mendicité infantile au Liban est le reflet d’une crise sociale plus large, alimentée par l’effondrement économique et les tensions politiques. Si les initiatives associatives et les programmes d’aide humanitaire apportent un soutien essentiel, seule une politique publique cohérente, conjuguée à une véritable volonté de réforme, permettra de lutter efficacement contre ce fléau et d’offrir un avenir meilleur à ces enfants livrés à eux-mêmes.