Le cas emblématique de ce Palestinien, présenté comme « militant pour les droits humains », illustre l'aveuglement de l'exécutif, la perdition de la gauche et la passive complicité des ONG.

Valeurs Actuelles

« Israël a menti pour justifier cette guerre » contre le Hamas. « Israël n’a pas le droit de se défendre ». Les propos de l’orateur Ramy Shaath ne choquent pas la foule rassemblée pour la Palestine ce 4 novembre à Paris. Au contraire, elle exulte, l’encourageant à poursuivre : « Le deuxième mensonge est de dire que la résistance du peuple palestinien serait du terrorisme. » Des propos absolvant le Hamas qui ont entraîné la saisine du procureur de la République par le préfet de Police de Paris. Des propos qui relèveraient d’un prédicateur antisioniste lambda et dont la problématique approbation ne pourrait concerner que la poignée des députés LFI présents.

Mais il n’en est rien. Ramy Shaath est un militant politique particulièrement actif contre l’Etat hébreu, récemment libéré de geôles du Caire… sur intervention de la France. Ce qui a entraîné Emmanuel Macron à tweeter en novembre 2022 : « Je salue la décision des autorités égyptiennes de remettre Ramy Shaath en liberté. Je partage le soulagement de son épouse Céline Le Brun, qu’il retrouve en France, avec qui nous n’avons rien lâché. » Un tweet que l’exécutif pourrait bel et bien regretter. Et bien au-delà. Puisque le combat pour la libération de Ramy Shaath de sa prison égyptienne a largement dépassé le spectre politique et a été à l’époque une cause nationale, voire internationale.

Fils de Nabil Shaath, haut dignitaire palestinien, ancien ministre des Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne et éphémère Premier ministre de l’Autorité palestinienne en 2005, Ramy Shaath est de nationalité égyptienne. Il a pris part activement à la révolution de 2011 chassant le président Moubarak et instaurant le régime islamiste du Frère musulman Mohammed Morsi. Avec l’avènement au pouvoir du maréchal Al Sissi, Ramy Shaath devient un farouche opposant au régime et le paye en subissant contrôles abusifs et emprisonnement. En 2019, il est interpellé et emprisonné tandis que son épouse, Cécile Le Brun, de nationalité française, est expulsée du territoire égyptien. S’ensuit une incroyable mobilisation en France pour demander sa libération. Celui qui est présenté comme « militant des droits humains » est en outre le coordinateur de Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS), un groupe appelant au boycott économique de l’Etat hébreu.

L’engagement de la France

Le 28 juillet 2020, la députée communiste Elsa Faucillon interpellait Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, sur le cas de ce militant : « Il y a un an, le militant et défenseur des droits humains Ramy Shaath, égyptien et palestinien, a été appréhendé à son domicile en Égypte, puis emprisonné. (…) Depuis lors, la détention de Ramy Shaath a été renouvelée dix-sept fois sans aucune accusation formelle. Les charges sont uniquement liées à son exercice pacifique du droit à la liberté d’expression. Ses conditions de détention sont inquiétantes. » Le ministre avait répondu en rappelant qu’à « de nombreuses reprises, de manière privée mais aussi publique – ce que je fais de nouveau en cet instant –, nous avons demandé que les conditions de détention de M. Shaath soient améliorées ».

Une position faisant écho à une tribune signée par 180 personnalités politiques de l’extrême gauche à La République en Marche, demandant la libération du militant. On retrouvait parmi les signataires notamment les députés LREM Pierre-Alain Raphan, Florence Provendier, Michèle Peyron mais aussi des élus de l’UDI comme Yves Detraigne. Dans une interview donnée au Monde, Ramy Shaat avait longuement remercié « Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian et la mobilisation des parlementaires et des ONG ». Il faut dire qu’en 2020, à l’occasion de la visite du Président Al Sissi, Emmanuel Macron avait affirmé s’être entretenu avec lui de « cas individuels », dont celui de Ramy Shaath. C’est donc contre le protégé du président de la République que le préfet de police de Paris Laurent Nunez a saisi le procureur de la République.

Depuis, des dizaines d’articles laudatifs vantant son combat pour les « droits humains » et présentant son épouse comme une icone luttant pour la liberté de son époux ont été publiés. Des droits humains dont la défense, théoriquement universelle, semble s’essouffler lorsque la victime est israélienne. Sa libération, devenue cause nationale, est donc intervenue en novembre 2022. Shaath a en revanche dû renoncer à sa nationalité égyptienne en contrepartie et vit depuis en France, patrie de son épouse. D’où il propage sa haine de l’Etat d’Israël et ses justifications des crimes du Hamas.

Evidemment, son accueil sur le territoire national avait suscité l’ire d’Israël. « La France s’est honorée d’avoir dénoncé à de nombreuses reprises ce nouvel antisémitisme qu’est la haine d’Israël. Elle ne peut se féliciter d’accueillir sur son sol le militant Ramy Shaath, fondateur du mouvement BDS en Egypte dont il vient d’être expulsé », avait réagi l’ambassade israélienne à Paris le 9 janvier 2022 sur X. « Le boycott et l’incitation à la haine d’Israël et des Juifs sont interdits par les lois françaises. Nous sommes déçus, alors que la France a récemment adopté la définition opérationnelle de l’antisémitisme, incluant la haine d’Israël. »

Qui est son épouse Céline Lebrun ?

Céline Lebrun-Shaath n’est pas en reste puisqu’en plus de son mari elle a aussi épousé ses thèses. Ainsi, on la voit tweeter contre Alexis Corbière lorsque celui affirme que « Le Hamas n’est pas un mouvement de résistance », elle rétorque « la gauche française en perdition». Pour elle, le Hamas est bel et bien un mouvement de résistance. Elle a aussi vertement critiqué la position de EELV condamnant les attaques du Hamas et faisant surtout un douteux parallèle entre les nazis et les Israéliens, les résistants et le Hamas : « Face à l’occupation nazie, nous étions des résistants. Face à l’occupation israélienne, ce sont des terroristes. Puisse l’esprit de la libération et du CNR souffler sur EELV et tous ceux qui jettent la pierre à un peuple en lutte pour sa liberté depuis plus de 75 ans ! » Aucun tweet en revanche à signaler le 7 octobre, jour de l’attaque terroriste du Hamas. Néanmoins, dès le lendemain, elle condamnera avec la plus grande fermeté la riposte de Tsahal. Sur sa bio, on peut lire le hashtag FreeThemAll en soutien aux prisonniers palestiniens… Tout un symbole.

Autre fait notable, en 2016, Cécile Lebrun, déjà en poste au Caire, publiait occasionnellement dans L’Orient XXI, une revue spécialisée sur le Proche-Orient dans laquelle collabore activement (elle siège au comité éditorial), Sophie Pommier, ex-consultante du Quai d’Orsay, surprise en train d’arracher des affiches d’otages israéliens, provoquant l’embarras de la ministre Catherine Colonna qui a été contrainte de réagir par communiqué de presse le 7 novembre dernier. Or, l’une des chroniques de Céline Lebrun portait à l’époque sur la série populaire égyptienne « Harat al-Yahoud ». Une série dans laquelle, elle reproche « la caricature des Palestiniens » et une « vision manichéenne des Frères Musulmans » présentés de manière trop négative.

Ramy Shaath et Sophie Pommier, ex-intervenants d’Amnesty International

Au journaliste du Monde Benjamin Barthe, lui demandant comment il voyait sa vie en France, Ramy Shaath a déclaré le 19 janvier 2022 : « Je vais continuer à me battre pour la libération des prisonniers d’opinion et l’autodétermination des Palestiniens, les deux causes qui ont mené à mon arrestation. J’ai déjà reçu des invitations à m’exprimer devant des parlements, des organisations. » En effet, le militant a enchaîné les conférences notamment à Sciences-Po Lyon, sous le haut parrainage d’Amnesty International mais également dans l’antenne du Quartier Latin d’Amnesty International. Le 24 novembre prochain, devrait en effet se tenir à Paris une conférence intitulée « La Face sombre de l’Egypte » dans laquelle sont sensés intervenir Ramy Shaath et… Sophie Pommier.

Contacté par Valeurs Actuelles à propos de cet événement, Amnesty International s’est empressé de rétro-pédaler. Un responsable au siège de l’ONG nous a déclaré que « compte tenu du contexte, la conférence aura bien lieu mais sans Ramy Shaath et Sophie Pommier ». En outre, ce responsable a tenu à déclarer que Amnesty International « condamnait sans réserve le fait d’avoir arraché des affiches de solidarité avec les otages retenus par le Hamas », qualifiant cette prise d’otage de « crime de guerre ». Quelques minutes plus tard, l’association est allée plus loin en supprimant l’événement cet après-midi.