Le «couple franco-allemand» se révèle brutalement : une simple construction intellectuelle et politique française qu’on ignore outre-Rhin

Il y a des légendes urbaines qui ont la peau dure. Des contes de fées auxquels on voudrait croire devenu adulte ! Il y a des rêves qui ne ressemblent pas à la réalité. Très loin s’en faut.

La notion de « couple franco-allemand » fait partie de ceux-là. Paravent d’une construction européenne qui tire à hue et à dia, écartelée entre les avis divergents de ses nombreux pays-membres, le «couple franco-allemand» se révèle brutalement : une simple construction intellectuelle et politique française qu’on ignore outre-Rhin. Ce couple ne peut divorcer. Car il n’a jamais vraiment existé. Ses incarnations les plus fortes, De Gaulle/Adenauer, Giscard/Schmidt ou Mitterrand/Kohl ont marqué l’Histoire entretenant l’illusion d’un couple soudé. Ces illustres protagonistes sitôt disparus, le couple s’est révélé une simple coquille vide.

Les deux pays, leaders en Europe, ne se sont jamais entendus sur l’approche budgétaire des critères de Maastricht. A la France la frugalité des pays qui dépensent sans trop compter. A l’Allemagne, la rigueur héritée d’un traumatisant passé hyper-inflationniste. Les deux pays ont divergé sur le développement énergétique de leurs industries respectives : aux Grünen allemands le soin de combattre le nucléaire français pour tuer chez l’autre « membre du couple » une énergie abondante et bon marché. Aux Grünen allemands, le soin d’expliquer à ses concitoyens qu’il est préférable de produire de l’électricité avec des centrales à charbon !

Dans la « corbeille du couple », la défense - dont ces deux pays, si souvent en guerre par le passé-, devaient constituer l’embryon d’une armée européenne. Qu’il est loin le temps où au défilé du 14 juillet 1994, l’Eurocorps franco-allemand bombait le torse ! Cette année-là sur les Champs-Elysées, les chars allemands roulaient sur le sol de la capitale française pour la première fois depuis l'Occupation ! La politique se gorge de symboles. Mais un couple a besoin de preuves d’amour et pas seulement de déclarations !

«À partir de 2014, l'Allemagne a développé un concept de «Nation Cadre» au sein de l'Otan. Elle destine son armée à devenir un intégrateur pour des forces de pays européens plus modestes. Pour ce faire, elle se dote de capacités de commandement, de communication et de coordination très importants. Ce processus est aujourd'hui très avancé avec les Pays-Bas, dont les trois brigades sont totalement intégrées dans les trois divisions allemandes. D'autres nations comme la Hongrie ou la Lituanie seraient en voie d'intégration au moins partielle à ce dispositif. », explique Léo Péria-Peigné, chercheur à l’IFRI. L'Allemagne développe une vision militaire, intégrée à l'Otan…La France observe une position toujours ambiguë vis-à-vis de l'Otan, sous domination américaine.

Paris qui entretient l’image du « couple franco-allemand » uni sur les questions de Défense aime à vanter l'Allemagne comme son premier partenaire militaire en Europe. Il y a bien longtemps que ce n'est plus vrai pour Berlin. « Le premier partenaire militaire allemand en Europe sont les Pays-Bas. Les structures de coopération militaires qui avaient été créées sont pour la plupart tombées en désuétude : la brigade franco-allemande est vidée de sa substance au moins depuis la fin de la colocalisation des unités françaises et allemandes, et la coopération entre nos marines s'est considérablement réduite. Seules les armées de l'air maintiennent des structures d'entraînement communes fonctionnelles », indique au Figaro l’expert de l’IFRI.

Il y a belle lurette que les grands projets industriels franco-allemands sont en cale sèche ! L'avion du futur (SCAF), le char du futur (MGCS), l'artillerie du futur (CIFS), l'avion de patrouille maritime futur (MAWS)…

Le « couple franco-allemand » ne fut qu’un leurre. Les Etats ne se marient pas entre-eux, ni ne se mettent en couple ! Il n’y a entre eux ni amour, ni amitié mais que des intérêts nationaux à défendre ! Jusqu’à la construction européenne sur laquelle s’affronte Paris et Berlin. L’Europe d’Olaf Scholz est bien éloignée de celle d’Emmanuel Macron. Lors d’un discours au Parlement de Strasbourg, le chancelier allemand a plaidé pour une stratégie européenne fondée sur la coopération d’égal à égal avec les États-Unis, « l’allié le plus important de l’Europe ». Paris n’est pas du tout sur cette longueur d’ondes. La France ne veut pas de cette «vassalisation » à l’oncle Sam. La France se berce dans l’idée qu’elle peut s’y opposer. Mais a-t ’elle encore les moyens de refuser ce « mariage forcé » depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ?