L’agence américaine a abaissé la notation de la France. Elle s’inquiète du déficit, de la dette et des risques sociaux qui pourraient contraindre notre pays à être moins ambitieux dans son programme de réformes.

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Voilà une nouvelle qui tombe bien mal pour le gouvernement, même si Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, déplore une « appréciation pessimiste » : l’agence américaine de notation Fitch a abaissé la notation de la France de « AA » à « AA-»… Pour le moment, Moody’s, également américain, laisse la sienne inchangée ; les yeux des investisseurs sont maintenant rivés sur le troisième grand acteur du secteur de la notation dont le siège est à New York : l’agence Standard & Poor’s. Elle réserve sa décision pour le début du mois de juin.

Derrière ces lettres qui ne veulent pas dire grand-chose pour le commun des mortels (il peut supposer que le fameux triple A – perdu par la France en juillet 2013 –, est meilleur que le double A), se cachent les conditions auxquelles un pays peut emprunter sur les marchés financiers. Ce n’est rien d’autre qu’un indice de crédibilité et mieux vaut en avoir un bon, même si dans la zone euro, les pays cigales (ceux du Sud de l’Europe) bénéficient du parapluie offert par les pays fourmis (ceux du Nord de l’Europe) qui, eux, font d’importants efforts pour ternir leurs comptes publics d’équerre.

Et aujourd’hui, cet indice de crédibilité est d’autant plus important que les banques centrales ont décidé de ralentir, voire d’arrêter (c’est le cas du PEPP ou Pandemic emergency purchase program) les achats de titres émis par les pays qui, de fait, doivent trouver des investisseurs. C’est là que l’on se souviendra du fameux adage : on ne prête qu’aux riches !

La France fait moins bien que les autres pays également notés AA

Les griefs de Fitch à l’encontre de la France sont nombreux et préoccupants. Il y a d’abord le déficit que l’agence anticipe à 5 % en raison d’une croissance plus faible, tandis que les dépenses sont indexées, elles, sur l’inflation. « Il devrait tomber à 4,7 % l’an prochain avec la suppression progressive des mesures de soutien à l’énergie. Les déficits des deux années sont bien supérieurs aux médianes « AA » de 2,3 % et 0,9 %, respectivement », calcule Fitch et c’est bien là le problème : malgré les satisfécits français sur bien des sujets de finances publiques, nous nous trouvons à la traîne des autres pays qui ont également une notation AA.

Par ailleurs, le programme de stabilité présenté récemment par le gouvernement repose sur des estimations de croissance plus optimistes que celles retenues par les analystes de l’agence américaine ; celle-ci met par ailleurs le doigt là où ça fait mal : « L’assainissement budgétaire au cours des années précédant la pandémie a été faible, malgré une période de croissance plus forte, et la plupart des mesures d’assainissement visant à atteindre les objectifs de dépenses réelles à moyen terme restent à préciser ». Principal problème, les dépenses ; un tiers seraient indexées sur l’inflation tandis que les rentrées fiscales pourraient être moins importantes que prévu. Et Fitch de regretter qu’« à moyen et long terme, l’adoption récente de la réforme des retraites sera modérément positive, générant des économies brutes annuelles de 17,7 milliards d’euros d’ici 2030 (0,6 % du PIB) ».

Côté dette publique, ce n’est pas mieux et la comparaison avec les autres pays fait aussi mal : « La dette publique générale s’élevait à 111,6 % du PIB à la fin de 2022, la plus élevée des souverains notés « AA » et plus du double de la médiane « AA » de 48,4 %. » Rien ne dit que cela ira en s’arrangeant. Car qui dit dette élevée, sous-entend aussi charge d’intérêt élevée ; l’agence remarque d’ailleurs que les investisseurs sont de plus en plus sévères avec la France puisque « les spreads (différence de taux – NDLR) sur les bunds allemands ont augmenté à environ 50 points de base contre environ 30 points de base au cours des deux dernières années ».

Tout cela fragilise donc la trajectoire française et Fitch est d’autant plus préoccupée que « les pressions sociales et politiques illustrées par les protestations contre la réforme des retraites compliqueront l’assainissement budgétaire ». Et l’équation est devenue infiniment plus compliquée depuis que le gouvernement a perdu la majorité à l’Assemblée nationale et qu’il est contraint d’utiliser l’article 49.3 pour faire adopter ses réformes. Ce n’est pas sans danger : « L’impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) constituent un risque pour le programme de réformes de Macron et pourraient créer des pressions en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou d’un renversement des réformes précédentes. »

Sans grande surprise, le gouvernement n’a pas goûté à la décision de l’agence américaine : « Je crois que les faits infirment l’appréciation de l’agence Fitch. Nous sommes en mesure de faire passer des réformes structurantes pour le pays », a estimé Bruno Le Maire à l’AFP ; il entend bien que la France continue à « faire passer des réformes structurantes. »