Après avoir rencontré plusieurs ministres du nouveau gouvernement libanais, l’ambassadeur d’un pays étranger a exprimé sa stupéfaction face au manque de préparation de certains responsables, soulignant que beaucoup n’avaient aucune compréhension réelle de leurs ministères ni de leurs responsabilités. Pendant ce temps, un député affilié à un parti politique s’emploie à constituer une équipe pour les ministres de son parti, dont l’un semble n’avoir aucune connaissance de son ministère.

Au-delà des ministres pris individuellement, un moment marquant s’est produit lors des premières sessions du gouvernement, lorsqu’il a été décidé de maintenir une ministre dans son rôle administratif précédent tout en laissant vacant son poste officiel jusqu’à la fin de son mandat ministériel—une violation flagrante de la loi. Certains estiment que, au vu de ses décisions et de sa gestion des dossiers clés, ce gouvernement semble plus préoccupé par l’accélération de la fin du mandat présidentiel que par l’accomplissement de ses responsabilités.

La formation du gouvernement et la nomination de son Premier ministre, Nawaf Salam, ne reflètent pas sa réalité actuelle et ne sont pas en phase avec l’élan international qui a conduit à son investiture. Une réévaluation de sa mission pour mettre en œuvre la Résolution 1701 des Nations unies a été illustrée par les déclarations du vice-Premier ministre et ministre Tarek Mitri, qui a affirmé qu’aucun calendrier précis n’existait pour son application et que toute avancée devait être négociée entre les acteurs libanais et précédée d’un renforcement militaire. Une telle position affaiblit directement l’élan international, fruit des arrangements américano-français qui avaient initialement soutenu le gouvernement.

De plus, le gouvernement a adopté le budget préparé par le cabinet de l’ancien Premier ministre Najib Mikati—un budget qui ne contient ni chiffres précis reflétant la crise financière du Liban ni mesures de réforme substantielles. Cela va à l’encontre des principales exigences de la Banque mondiale et de la communauté internationale. Comment un budget vieux d’un an peut-il être adopté malgré les destructions, les guerres et l’effondrement économique qu’a subis le Liban ? Le gouvernement semble incapable de proposer des réformes concrètes, alors même qu’il subit une pression croissante de la communauté internationale pour organiser les élections municipales à temps—un sujet sur lequel aucun retard ne sera toléré. L’impression grandit que le Liban s’est installé dans une gouvernance perpétuellement intérimaire, comme si les puissances internationales s’attendaient à ce qu’il reste en permanence dans cet état de transition.

L’approche du gouvernement en matière d’administration, de nominations et de système de quotas anéantit toute perspective de réforme. Un exemple frappant en est la plainte déposée par l’Association des banques contre le groupe de défense "Kulluna Irada" (Nous sommes tous volonté), qui s’y est opposé. Pendant ce temps, le gouvernement n’a toujours pas abordé la crise bancaire, malgré ses promesses antérieures d’en faire une priorité absolue.

Sur la question des nominations, le gouvernement a déjà subi un revers, reproduisant simplement le népotisme des administrations précédentes. Il a consolidé le système de clientélisme qui avait été fortement critiqué sous la présidence de Michel Aoun, incapable de le combattre en raison de lignes rouges politiques bien ancrées—certaines imposées par l’alliance du "duo chiite", où le Hezbollah a finalement préféré maintenir son partenariat avec le président du Parlement Nabih Berri plutôt que de soutenir pleinement la présidence de Aoun.

Les récentes nominations ont constitué un échec pour l’administration et son gouvernement, étant le produit d’un marchandage politique profondément enraciné. Le processus a traîné pendant des semaines en raison de désaccords en coulisses entre les trois principaux dirigeants politiques. Le président du Parlement, Nabih Berri, a proposé des candidats pour la Direction générale de la Sûreté générale, mais le président Joseph Aoun les a rejetés et a demandé d’autres suggestions, que Berri a refusé de fournir. Il a insisté sur la nomination de son candidat préféré. Le Hezbollah a remis le dossier à Berri et s’est contenté d’observer de loin, invoquant sa focalisation sur des enjeux stratégiques. Après de longues négociations et des menaces implicites de boycott, l’impasse a été levée par la nomination du général de brigade Hassan Choucair au poste de directeur général de la Sûreté générale, tout en trouvant un compromis pour conserver Murshid Suleiman, dont Berri tenait à la présence.

Cet épisode illustre l’incapacité du gouvernement à joindre le geste à la parole. Le Président Aoun s’est présenté comme le commandant en chef des forces armées et estimait avoir l’autorité sur les nominations sécuritaires. De son côté, le Premier ministre Nawaf Salam a insisté sur le fait que les nominations sunnites relevaient de sa prérogative. Quant à Nabih Berri, il a maintenu qu’il avait le dernier mot sur les nominations concernant sa communauté, affirmant que "les gens de La Mecque connaissent mieux leurs propres affaires."

Au-delà de ces luttes de pouvoir, le gouvernement semble complètement détaché du passé, hormis ses structures politiques et confessionnelles héritées. Il cherche à instaurer un nouveau mécanisme pour les nominations administratives, bien qu’un cadre existant ait été établi en 2010 par l’ancien ministre de la Réforme administrative, Mohammad Fneish. Mettre en place un nouveau système nécessiterait un temps dont le gouvernement ne dispose pas, puisqu’il est censé ne durer qu’un an avant les élections municipales.

Au cœur de la pire crise du Liban et dans la foulée d’une guerre dévastatrice, le Premier ministre a déclaré son engagement envers la Constitution en tenant des sessions du Conseil des ministres dans un troisième lieu, en dehors du Palais présidentiel et du Grand Sérail. Pourtant, cette même Constitution confère aux ministres le pouvoir de superviser les nominations au sein de leurs ministères—un droit qui a été complètement écarté par le marchandage politique et la répartition confessionnelle, comme en témoignent les récentes nominations sécuritaires et militaires.

Ce qui est encore plus frappant, ce sont les positions adoptées par certains ministres. La ministre des Affaires sociales s’oppose au retour des réfugiés syriens en Syrie, tandis que Tarek Mitri plaide pour un dialogue sur l’application de la Résolution 1701. De son côté, le ministre des Affaires étrangères a accusé le Hezbollah d’être responsable des agressions répétées d’Israël contre le Liban. Pourtant, malgré les nombreuses violations israéliennes depuis l’adoption de cette résolution, le Liban n’a jamais déposé de plainte auprès du Conseil de sécurité de l’ONU.

Certains estiment que ce gouvernement est un instrument de la communauté internationale, chargé d’aller au-delà des simples nominations administratives pour remplir des objectifs géopolitiques plus vastes—à savoir, le désarmement du Hezbollah et la réduction de l’influence du "duo chiite" au sein des institutions de l’État. Après la guerre qui a durement frappé la base de soutien du Hezbollah, la véritable mission du gouvernement devient plus évidente. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a ouvertement appelé à des négociations frontalières, signalant une étape vers une normalisation.

La déclaration de politique générale de ce gouvernement était remplie de promesses ambitieuses, mais ses nominations administratives et judiciaires prendront des mois à être finalisées. Selon des sources proches du dossier, son objectif principal est simplement de superviser les élections municipales—rien de plus.