Le Liban traverse une crise économique sévère depuis 2019, entraînant un effondrement du taux de change de la livre libanaise et une inflation galopante sans précédent. Cette situation a rendu le salaire minimum insuffisant pour couvrir les besoins fondamentaux des citoyens. Dans ce contexte, l’annonce du nouveau ministre du Travail, Mohammad Haidar, de sa volonté d’améliorer le salaire minimum en concertation avec les ministères concernés, relance le débat sur l’importance d’une telle mesure et sa capacité à garantir une stabilité sociale et économique.

Hausse du coût de la vie et impact sur la classe ouvrière

Dépendant fortement des importations en raison de la faiblesse du secteur industriel local, le Liban est exposé aux fluctuations des prix mondiaux et à l’augmentation des coûts de transport. Selon les dernières estimations, le coût de la vie pour une famille de quatre personnes atteignait en 2024 environ 52 millions de livres libanaises par mois (582 dollars) en zone rurale et 71 millions de livres libanaises (794 dollars) en milieu urbain, sans compter les frais de santé. Or, le salaire minimum dans le secteur privé reste fixé à 18 millions de livres libanaises, un montant largement insuffisant pour répondre aux besoins quotidiens.

Cadre légal des salaires au Liban

Malgré les tentatives du gouvernement d’améliorer les salaires, l’absence d’un mécanisme clair de révision périodique des rémunérations aggrave la crise. Une première revalorisation du salaire minimum avait été décidée en avril 2024, mais elle s’est révélée incapable de compenser l’inflation galopante. Le syndicat général des travailleurs plaide désormais pour une augmentation à 50 millions de livres libanaises, considérée comme le seuil minimum permettant d’assurer un niveau de vie décent.

Les défis de l’application d’une hausse du salaire minimum

Instabilité gouvernementale : toute révision des salaires nécessite des décisions rapides, mais le Liban souffre d’une instabilité politique chronique pouvant entraver leur mise en œuvre.

Crise financière et bancaire : la plupart des entreprises font face à un manque de liquidités, les rendant incapables d’absorber une augmentation des salaires.

Absence de soutien aux secteurs productifs : sans politiques incitatives pour la production locale, le Liban restera dépendant des importations, limitant ainsi les perspectives de croissance économique.

Non-indexation des salaires sur l’inflation : aucun cadre législatif n’impose une révision des salaires en fonction de l’inflation, ce qui entraîne une perte continue de leur valeur réelle.

Position du gouvernement et du syndicat général des travailleurs

Dans une déclaration à "Al Safa News", le président du syndicat général des travailleurs, Béchara Asmar, a souligné "l’urgence de revoir le salaire minimum dans les secteurs public et privé". Il a également insisté sur la nécessité d’intégrer les aides mensuelles versées par l’État dans les salaires de base pour garantir un revenu stable aux travailleurs. Il a confirmé que des négociations sont en cours avec le nouveau gouvernement afin d’adapter les salaires à l’évolution du coût de la vie.

Parmi les recommandations avancées par Béchara Asmar, figurent :

Une révision régulière du salaire minimum : la mise en place d’une législation imposant une réévaluation des salaires en fonction de l’inflation annuelle.

Le soutien aux secteurs productifs : encourager la production nationale pour réduire la dépendance aux importations et maîtriser le coût de la vie.

Une réforme du secteur bancaire : faciliter l’accès au crédit pour les entreprises afin de leur permettre d’augmenter les salaires sans mettre en péril leur viabilité.

L’activation des programmes de protection sociale : garantir une aide ciblée aux familles les plus vulnérables, dans un contexte de flambée des prix.

Un levier économique à double tranchant

Interrogé par "Al Safa News", l’économiste Dr. Khaldoun Abdel Samad estime que "l’augmentation du salaire minimum au Liban est devenue une nécessité absolue, bien au-delà d’une simple revendication syndicale". Il rappelle que "face à la dévaluation de la monnaie nationale et à la hausse vertigineuse du coût de la vie, le salaire minimum actuel ne permet plus de couvrir les besoins élémentaires des ménages libanais".

Toutefois, pour Abdel Samad, il ne s’agit pas uniquement de relever le salaire minimum, mais d’adopter une approche globale qui prenne en compte la capacité des entreprises à absorber ces augmentations sans aggraver l’inflation ni provoquer la faillite des petites et moyennes entreprises. "Le Liban repose en grande partie sur les importations, ce qui signifie que toute hausse des salaires pourrait se traduire par une augmentation immédiate des prix des biens et services", prévient-il.

Il plaide ainsi pour une stratégie économique intégrée, comprenant notamment :

Des mesures de soutien à la production locale pour limiter l’impact de l’inflation ;

Des incitations fiscales pour les entreprises qui adoptent des grilles salariales équitables ;

Un contrôle strict des prix afin d’éviter des hausses abusives ;

Une réforme fiscale et monétaire garantissant la stabilité du pouvoir d’achat des citoyens sans nuire à l’ensemble de l’économie.

"En définitive, le véritable enjeu ne réside pas uniquement dans la fixation d’un nouveau salaire minimum, mais bien dans l’élaboration d’un plan économique garantissant justice sociale et stabilité financière à long terme", conclut l’expert.

Une réforme incontournable mais insuffisante

En conclusion, relever le salaire minimum au Liban n’est plus une option, mais une nécessité urgente pour garantir un niveau de vie décent aux citoyens et faire face à la crise économique persistante. Cependant, cette mesure, à elle seule, ne suffira pas à rétablir l’équilibre économique du pays. Sans réformes structurelles profondes, elle risque de n’être qu’un palliatif temporaire dans une crise aux ramifications bien plus complexes.