Beyrouth a connu un tournant majeur avec la réouverture de la Rue des Banques à la circulation, une décision prise après plus de cinq ans de fermeture, entamée lors du soulèvement du 17 octobre 2019. Cette initiative s'inscrit dans une série de mesures visant à redonner vie au centre-ville de la capitale, dans un contexte politique marqué par l’élection d’un nouveau président et la formation d’un nouveau gouvernement.

Les Raisons Politiques Derrière la Fermeture de la Rue des Banques

La fermeture de cette artère remonte aux manifestations populaires de 2019, déclenchées en réaction à la détérioration économique et à la mauvaise gestion politique. Face à la montée de la contestation, les autorités avaient érigé des barricades en béton et des grilles métalliques, coupant l'accès à la place de l'Étoile et à plusieurs bâtiments gouvernementaux pour protéger les institutions des manifestants en colère.

Ce type de fermeture du centre-ville n’était pas une première. En 2006, le centre de Beyrouth avait déjà été transformé en espace de pression politique par le Hezbollah et ses alliés, qui y avaient installé un sit-in de plusieurs mois.

Mais au fil des années, cet isolement du centre économique de la capitale a eu des conséquences désastreuses. Jadis cœur battant du commerce et du tourisme libanais, la zone s’est peu à peu transformée en ville fantôme, avec la fermeture de nombreux commerces et une chute vertigineuse des activités économiques. Face à ces pertes croissantes, la réouverture de la rue des Banques était devenue indispensable.

Une Décision Dictée par l’Urgence Économique

La réouverture de la rue des Banques vise avant tout à stimuler la reprise économique du centre-ville. Selon l’économiste Dr Khaldoun Abdel Samad, interrogé par Al Safa News,

« Le secteur commercial a énormément souffert de cette fermeture prolongée. Les barrières physiques ont coupé les commerces de leur clientèle, provoquant une baisse des ventes et la fermeture de nombreuses enseignes. »

Il ajoute :

« La relance du centre-ville passe nécessairement par cette réouverture. La zone entourant la place de l'Étoile abrite de nombreuses entreprises, banques et boutiques qui dépendent d’un flux quotidien de clients et de touristes. Rétablir la circulation contribuera à restaurer la confiance des investisseurs et à redynamiser l'économie locale. »

Selon Abdel Samad, cette mesure pourrait également stimuler le marché immobilier dans le centre-ville :

« La fermeture prolongée a provoqué une chute de la valeur des biens commerciaux et résidentiels dans le quartier. Avec la reprise des activités, on s’attend à une hausse des loyers et des prix immobiliers, ce qui sera bénéfique pour le secteur. »

Redonner Vie au Cœur de Beyrouth : Un Enjeu Social et Urbain

Au-delà de l’impact économique, cette réouverture revêt une dimension sociale importante. Pendant des années, le centre-ville a été un carrefour naturel de rencontres entre Libanais de toutes les régions, que ce soit pour le travail, le tourisme ou les événements culturels.

Le député Wadih Sadek salue cette initiative, « La réouverture de la rue des Banques est une étape attendue depuis trop longtemps. L’isolement injustifié de cette partie essentielle de Beyrouth a eu des conséquences négatives sur toute la ville. Retrouver un centre-ville dynamique, c’est retrouver un symbole du Liban politique, économique et social ».

De son côté, Georges Nour, expert en immobilier et professeur universitaire, estime que cette mesure s’inscrit dans un plan de réhabilitation à long terme : « La réouverture de la rue des Banques n’est qu’un premier pas. Il est essentiel d’accompagner cette décision par la suppression des autres obstacles, notamment les blocs de béton et les barrières qui rappellent encore l’instabilité sécuritaire ». Il insiste enfin sur la nécessité de restaurer un sentiment de bien-être dans la capitale : « Nous devons replacer le bien-être des citoyens au centre des préoccupations. Cette réouverture doit être perçue comme le début d’une nouvelle ère, tournée vers l’espoir et l’optimisme. »

Le Rôle des Autorités dans Cette Décision

La réouverture de la rue des Banques n’a pas été une décision isolée, mais le résultat d’efforts coordonnés entre plusieurs acteurs gouvernementaux et économiques. Parmi eux, Antoine Habib, directeur général de la Banque de l’Habitat, a joué un rôle clé en multipliant les discussions avec les autorités compétentes, notamment :

-Le maire de Beyrouth et le gouverneur de la capitale,

-L’ancien ministre de l'Économie et président des instances économiques, Mohammad Choucair,

-Le président du Parlement, Nabih Berri.

L'impulsion décisive est venue des directives du président de la République, qui a insisté sur le démantèlement des barricades autour des bâtiments officiels et ministères, facilitant ainsi la réouverture de plusieurs axes clés, dont la rue des Banques.

Quels Effets Attendre de Cette Réouverture ?

1. Amélioration de la circulation

L’ouverture de cette voie devrait réduire la congestion routière dans les quartiers avoisinants, où le trafic avait été détourné pendant des années, aggravant les embouteillages.

2. Relance du commerce

Avec le retour à la normale, les commerces, restaurants et bureaux pourront retrouver une activité économique stable, entraînant une hausse des ventes et la création d’emplois.

3. Renforcement de la confiance des investisseurs

Cette décision envoie un signal positif aux investisseurs : elle démontre une amélioration de la stabilité politique et sécuritaire, ce qui pourrait encourager le retour des capitaux et des projets d’investissement.

4. Boost du tourisme

Le centre-ville de Beyrouth, riche en sites historiques et commerciaux, pourrait redevenir une destination touristique incontournable, attirant à nouveau les visiteurs locaux et étrangers.

Un Pas Vers la Relance du Liban ?

La réouverture de la rue des Banques ne se limite pas à une simple décision administrative. Elle symbolise un changement de cap dans la gestion du pays, avec une volonté de réactiver la vie économique et sociale de la capitale.

Reste à savoir si cette initiative marquera le début d’une véritable relance ou si elle restera un geste isolé dans un contexte encore fragile. Quoi qu’il en soit, les Libanais espèrent que cette première étape ouvrira la voie à une période de reconstruction et de prospérité, bien loin des années d’isolement et de crise.